Depuis des années, Carlos Fuentes ne cesse de répéter que le salut de l’Amérique latine réside dans sa créativité. Les onze essais réunis dans Le sourire d’Érasme nous en offrent une étincelante démonstration, en ouvrant l’éventail d’un champ de recherche et de réflexion qui va de la découverte et de l’«invention» de l’Amérique jusqu’à l’affirmation de sa «modernité». Ce que nous disent, sous la plume alerte et érudite de Fuentes, les auteurs convoqués ici – Bernal Díaz del Castillo, Rómulo Gallegos, Alejo Carpentier, Juan Rulfo, Mariano Azuela, Gabriel García Márquez, José Lezama Lima et Julio Cortázar –, c’est que cette «modernité» passe par des retrouvailles avec le passé et qu’elle implique une diversité de discours en réponse au bariolage culturel du continent et face aux diktats univoques du pouvoir.
On connaissait le romancier, le nouvelliste, le dramaturge. On découvre avec ce livre que Fuentes est aussi un des grands essayistes contemporains, observateur attentif des mouvements et des soubresauts de l’histoire, lecteur assidu et perspicace de la philosophie et de la fiction d’aujourd’hui, épigone respectueux et lucide de ces figures tutélaires que sont Machiavel, More et Érasme.