«Les poèmes ici traduits appartiennent tous au dernier recueil publié par Octavio Paz en 1976 sous le titre initial de Vuelta (Retour). Après les méditations et les expériences intellectuelles issues d'un long compagnonnage avec l'Orient – et dont Versant Est fut la cristallisation étincelante –, le temps était venu, pour le poète et le voyageur, d'une sorte de retournement vers les Origines, vers ce lieu qui demeure le sien, par-delà les vicissitudes et les variantes d'une vie. Un lieu mental, assurément, où ne cessent de resurgir des questions sans réponse – la parole poétique et ses pouvoirs d'élucidation, la vérité du monde et les idéologies qui l'offusquent. Un lieu historique, aussi bien – car c'est à Mexico, ou dans la relation réaffirmée avec la Ville des Trois Cultures, que l'interrogation et l'inquiétude d'Octavio Paz s'établissent, se nouent, fomentent à nouveau un espace de pensée et de poésie.
Qu'il prolonge et célèbre en métaphores somptueuses les images de quelques artistes qui lui sont chers, qu'il poursuive sa pérégrination solitaire dans le Mexique d'aujourd'hui, Octavio Paz ne se quitte pas. Marche tout à la fois déroutante et précise. Les trois grands poèmes écrits sous le signe de Mexico, Retour, Au milieu de cette phrase..., Pétrifiée pétrifiante, auxquels il importe d'adjoindre l'étonnant Nocturne de San Ildefonso, trahissent bien autre chose qu'une nostalgie. L'homme qui parle, l'homme qui déambule à travers les avenues d'un savoir défunt, cherche-t-il encore un écho, un profil de l'adolescent qu'il fut, lorsque l'avenir feignait d'être clair sous la lumière zénithale des certitudes? «Je marche sans me rapprocher. Je regarde à rebours.»
Ce qui persiste au terme, qu'est-ce donc, pour Octavio Paz, sinon cet acte ultime du poème, avec, à l'horizon, des mots que rien ne justifie, et qui s'éclairent cependant et nous éclairent, comme un astre au premier matin, exacts, entiers, inaltérables.»
Claude Esteban.