«Dans Le temps des anges, Homero Aridjis renoue avec un livre qui a fait date dans la poésie espagnole de la génération de Lorca : Sur les anges (1929), de Rafaël Alberti.
Le temps des anges, cette fin du deuxième millénaire? Oui, si nous relisions Baudelaire : "Par l'opération d'un mystère vengeur / Dans la brute assoupie un ange se réveille..." Plaise au ciel que ce réveil ne tarde pas trop.
Voici donc que revient le temps du dialogue avec l'ange, de la confrontation avec le messager. Loin de certaine résurgence d'une imagerie de supermaché, d'un bric-à-brac obscurantiste, l'ange est d'abord un combat. Reflet de Delacroix (le combat de Jacob) – et de Rilke, dans la première Élégie de Duino : "Car le Beau n'est que le commencement du terrible." Et "tout Ange est terrible", car il y a de tout dans l'ange, y compris des copies frauduleuses, des agents doubles, des faux jetons. Aujourd'hui que le sens nous a été subtilisé, extorqué, que notre royaume est usurpé ; aujourd'hui que nous sommes, dit le poète, "enfermés hors de nous-mêmes"».
Jean-Claude Masson.