«Un soir - ses horaires étaient très différents des miens -, après s'être donné du courage en avalant une gorgée de whisky, il me confia une vingtaine de poèmes écrits en anglais. Je connaissais ses incursions dans le domaine du cinéma (sans parler de son talent de photographe), mais j'ignorais qu'il était poète. Je me rappelle avoir passé plusieurs heures captivé par ses poèmes dans lesquels je retrouvais ce que j'avais pressenti en lui : des poèmes d'une grande beauté, abrupts, sans la moindre complaisance envers soi-même, emplis d'une douleur souterraine, bouleversante. J'ai toujours été séduit par la magie de la poésie anglaise, sa capacité de condensation supérieure à celle d'autres langues que je connais. Carlos Fuentes Lemus occupait cet espace presque sur la pointe des pieds, étranger à toute rhétorique, à tout sentimentalisme facile, avec la délicatesse et la légèreté qu'il mit dans sa fugace traversée de la vie.»
Juan Goytisolo.